Aller au-delà des apparences...

Dans mon premier placement de stage, j’ai effectué une demi-journée de préstage dans laquelle je surveillais le groupe pendant que l’enseignante faisait des entrevues de lecture dans le corridor. À la fin de la période, celle-ci est revenue dans la classe et m’a demandé de venir la voir. C’est à ce moment qu’elle m’a dit : ‘’lui, c’est un doubleur’’ en pointant un élève. Par la suite, quelques semaines plus tard, je me suis retrouvée dans une nouvelle classe pour mon stage et j’étais en charge de mon groupe lorsque cette enseignante m’a confié deux élèves (dont le petit garçon qu’elle avait traité de doubleur) pour aller dehors avec le reste du groupe. Ces deux élèves devaient compléter un travail non terminé. Par la suite, je suis allée voir ce même élève  pour savoir pourquoi il devait reprendre son travail. C’est à ce moment qu’il m’a dit qu’il n’en serait pas là si quelqu’un l’avait aidé plutôt que de l’avoir fait doubler et il s’est déchargé le cœur en me confiant son parcours scolaire cahoteux et combien il se sentait inutile et incompétent.  J’ai senti une grande détresse de sa part.

Lorsque l’enseignante a parlé de cet élève avec si peu de considération, et ce, dans son visage, j’ai été sidérée. Je ne pouvais croire qu’une professionnelle de l’éducation puisse parler ainsi d’un élève. Par la suite, lorsque cet enfant s’est ouvert à moi, j’ai été bouleversée. J’ai senti qu’il avait confiance en moi et que je devais être à son écoute, et ce, sans le juger, puisqu’il n’en avait pas de sa propre enseignante. J’ai discuté avec lui et je lui ai demandé s’il avait quelqu’un à qui se confier. Il m’a répondu par la négative et lorsque je lui ai proposé d’en parler à ses parents, il était très réticent. Je lui ai également suggéré d’aller consulter la T.E.S. de l’école, mais il croyait que c’était peine perdue, puisque celle-ci aurait fort probablement le rapport de l’éducatrice de son ancienne école et qu’il serait perçu négativement. C’est pourquoi j’ai compris que je ne pouvais pas abandonner cet élève, puisqu’il avait besoin d’écoute et de quelqu’un qui croit en lui. J’ai compris qu’il était précédé par toutes les erreurs qu’il a pu faire depuis le début de son parcours scolaire et qu’il était perçu comme une cause perdue. Cet élève semble avoir besoin d’être considéré et encouragé. Il m’a avoué ne pas se trouver intelligent et sans valeur. Lorsqu’il m’a dit que la T.E.S. ne l’aimerait probablement pas à cause de ce qui est inscrit dans son dossier, je lui ai dit qu’effectivement, s’il n’allait pas la voir, la seule image qu’elle aurait de lui serait celle décrite dans son dossier. Je lui ai également dit que c’était à lui de lui montrer qui il voulait être à ses yeux. Cet enfant sait qu’il n’est pas bien vu par les intervenants du milieu et semble tout faire pour leur donner raison. Il grimpe dans le mat du drapeau sur la cour, déchire ses feuilles d’exercices pour ne pas les remplir lorsque la tâche lui parait insurmontable, etc. Selon William Glasser, les problèmes de disciplines sont dus à la pédagogie de l’échec. En effet, cette théorie démontre que lorsque les enseignants fondent leur perception d’un élève uniquement sur ses difficultés de comportement, l’élève réagit à cette perception en abdiquant et en ne faisant aucun effort pour bien agir. C’est à ce moment que l’effet pygmalion peut s’installer et créer un cercle vicieux dans lequel l’enseignant et l’élève sont en perpétuel conflit[1]. C’est pourquoi je crois que l’enseignante de l’élève en question s’est peut-être laissé influencer par le dossier qu’on lui a remis en début d’année. Nous sommes qu’en novembre, et je ne compte plus les fois où cet enfant s’est retrouvé dans le corridor ou en retenue lors des récréations. Je sens qu’il cherche désespérément une attention de façon positive ou négative.

Étant donné que ce garçon semble avoir créé un lien avec moi, je crois qu’il est de mon devoir de ne pas le laisser tomber. Cependant, je suis bien consciente que je ne serai pas dans  l’école toute l’année et que mon statut de stagiaire me place dans une position délicate. C’est pourquoi je pense que je devrai continuer à solidifier le lien que j’ai avec lui en l’écourtant attentivement lorsqu’il vient vers moi ou en allant discuter avec lui dans la cour de récréation.  J’espère que je pourrai ainsi réussir à gagner suffisamment sa confiance pour réussir à créer un pont avec l’éducatrice spécialisée de l’école. De plus, puisqu’il n’est pas valorisé, je formule le souhait de créer un projet entre nos deux classes afin d’exploiter son grand talent en dessin pour le valoriser et lui montrer qu’il a des capacités et du potentiel. Ce que je retiens de cette situation, c’est de ne pas me fier au dossier de mes élèves, mais bien à mon jugement. De plus, je crois fermement que derrière chaque mauvais comportement se cache une raison, un besoin mal exprimé et que c’est mon devoir de chercher à le trouver. Cet enfant choisi régulièrement des mauvais comportements pour provoquer et surtout, je crois, pour tester la solidité du lien qu’il a avec l’adulte, puisqu’il a été trop souvent abandonné. J’espère de tout cœur qu’un intervenant de l’école saura voir son potentiel et saura l’aider sans le juger afin de lui démontrer ses forces et son potentiel. Son estime de lui est à zéro et j’ai peur qu’il décroche avant la fin de son secondaire. Je trouve cette situation difficile, car je n’ai pas de pouvoir pour aider cet enfant. Cette situation me rappelle que je devrai me protéger, car je ne pourrai malheureusement pas tous les sauver.

 



[1] Dumouchel, M. (2018). Organisation pédagogique et relation éducative au primaire : notes de cours, DDD2210.   

   Université du Québec à Montréal, Département de didactique.

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