Compétences 6 et 7
En tant que future enseignante qui fait ses premiers pas dans le milieu scolaire, il y a de nombreux sujets pour lesquels ma confiance et mon assurance me font cruellement défaut et dont je pourrais discuter longuement dans ce billet. Cependant, s’il en est un qui nourrit chez moi davantage d’angoisse et de peur, c’est bien évidemment comment bâtir une relation de confiance avec les élèves présentant des besoins particuliers. Dans notre formation initiale, il nous est enseigné de nombreux modèles d’enseignement ou de gestion de classe, on nous apprend à éplucher le programme aussi bien que la progression des apprentissages, mais pour ce qui est des relations humaines, je dois vous avouer que je me sens bien dépourvue et seule face aux énormes défis que la diversité des classes d’aujourd’hui me réserve. Habitée du désir d’être une enseignante signifiante, de celle que l’on n’oublie pas facilement, je me sens démunie quant au savoir-être nécessaire pour arriver à une telle signifiance pour des élèves qui ont souvent été blessés ou négligés, des élèves, trop souffrants pour se laisser approcher de nouveau même par la personne la plus bienveillante. S’il est une chose que je retiens des lectures présentées dans le cadre du cours sur l’intégration scolaire et modèles d’intervention, c’est assurément l’humanité! Au fil des lectures et principalement celle des livres de Mariette Gervais «Ces enfants trop chambardés dans le cœur»[1], j’ai appris que les élèves quels qu’ils soient, sont en premier lieu des êtres humains qui ne demandent qu’à être aimés et écoutés par une oreille sincère, et ce, même lorsque tout leur être semble crier le contraire.
En effet, les nombreux exemples cités dans ces livres démontrent à quel point l’intervention auprès d’élèves en difficultés devrait toujours partir du cœur. Les élèves retiennent ce que l’on dégage bien avant ce que l’on dit «Tu m’enseignes davantage par ce que tu es que par ce que tu dis».[2] De ce fait, il faut, avant tout, vouloir sincèrement aider ces élèves et les accepter aussi turbulents ou répulsifs qu’ils sont. Comprendre que leur attitude n’est pas nécessairement tournée contre nous, mais plutôt le reflet d’un mal-être ou d’un besoin criant. Il est donc du devoir de l’adulte signifiant de découvrir ce que ce comportement exprime.
Une autre chose que je retiens des livres de madame Gervais, c’est la façon qu’elle a choisi pour représenter les élèves ayant des troubles du comportement (les enfants cactus, dragons, etc.). Dans le cours tout comme dans ces lectures, j’ai appris à ne plus voir ces élèves comme un trouble ou un diagnostic, mais comme des êtres humains uniques présentant des défis tout aussi singuliers[3]. C’est pourquoi chaque portrait qu’elle a fait de ces enfants me permet de voir l’humain derrière le comportement. En plus d’humaniser les comportements de ces enfants, elle me permet de contextualiser leur réalité de vie afin de me guider dans mes interventions pour que celles-ci soient plus efficaces, plus appropriées aux besoins de chacun, bref, d’être plus humaine. Si j’arrive à voir la douleur ou l’élément déclencheur d’un comportement inapproprié plutôt que le geste en tant que tel, je pense qu’il me sera plus facile de prendre du recul pour ne pas être dans la réaction, mais dans un mode d’intervention. Voir cette intervention comme une relation d’aide qui saura dresser un pont entre ces enfants et moi pour les rejoindre afin de développer ce lien indispensable pour les apprivoiser, et finalement, de les rendre disponibles à faire des apprentissages. De plus, tout comme le mentionne monsieur Bissonnette dans son article intitulé «Pour une gestion efficace des comportements auprès des élèves en difficulté» [4], le meilleur moyen pour instaurer un climat de classe propice aux apprentissages est la prévention des comportements inappropriés. Selon monsieur Bissonnette, la création d’une bonne relation avec les élèves est la première intervention à privilégier pour soutenir l’apprentissage de comportements adéquats.
Je me souviens d’un moment marquant dans un cours sur l’intégration des élèves en difficulté où il m’a été rappelé les trois mandats de l’école : instruire, socialiser et qualifier[5]. J’ai réalisé à quel point nous nous donnons le mandat d’instruire les élèves. Cependant, socialiser et qualifier, c’est aussi leur apprendre à être des humains qui savent se comporter en société. Un jour, ces élèves seront des adultes, des contribuables qui devront savoir comment vivre en société. Ainsi, le fait de savoir compter ou écrire ne sont pas les seules compétences qu’ils doivent développer. C’est pourquoi j’ai réalisé ce jour-là que je ne devrai jamais me sentir coupable de prendre du temps pour discuter avec mes élèves afin de leur permettre d’accueillir tous leurs pairs, peu importe leurs défis ou leur handicap. Apprendre à mes élèves la tolérance, l’ouverture et le respect des différences sans culpabiliser, car cela aussi fait partie de mon mandat!
Une autre chose marquante que j’ai compris en lisant «Ces enfants trop chambardés dans le cœur», c’est de commencer par appliquer cette tolérance non pas envers les élèves en difficulté d’adaptation, mais envers moi! Dans son deuxième livre, l’auteure décrit les cinq qualificatifs (signifiant, motivant, cohérent, encadrant et réflexif) pour intervenir adéquatement auprès des élèves en difficulté. Lorsque je me suis prêtée à l’exercice de faire mon profil d’intervention éducative[6], j’ai réalisé l’importance d’avoir un équilibre dans les différentes qualités nécessaire à une intervention réussie. En effet, j’ai réalisé qu’en général je possédais assez bien ces qualificatifs et que, comme la plupart des enseignants débutants, je devrai travailler sur la cohérence. Mais ce que j’ai réalisé, c’est que mon désir d’être une enseignante parfaite qui possède toutes les qualités requises était mon principal ennemi. C’est pourquoi c’est la tolérance envers moi qui restera mon plus grand défi. Accepter que je ferai inévitablement des erreurs que je vivrai probablement comme des échecs. Et c’est dans ces moments précisément que je devrai appliquer cette tolérance. Étant une personne passionnée qui prend à cœur chacune de mes entreprises, je réalise combien je suis sujette à l’épuisement et au découragement face aux situations difficiles que cette profession me présentera. C’est pour cette raison que je devrai garder en tête ce que madame Gervais dit dans son deuxième livre «l’échec ne signifie pas que vous avez perdu votre temps. Il signifie que vous avez acquis de l’expérience» [7]. Je retiens ainsi que la cohérence, dans mon cas, signifie d’être capable d’accepter mes erreurs afin de grandir de celles-ci tout comme je le demanderai à mes élèves. Je devrai être convaincue que j’ai ce droit à l’erreur. Et avant chaque intervention, je devrai être simplement cohérente avec mes valeurs et mon cœur. Si je suis maintenant terrifiée face à ce que l’avenir d’enseignante me réserve, ce dont je suis certaine, c’est à quel point j’ai à cœur le mandat de cheminer avec tous les enfants qui se retrouveront sur ma route et d’être sincèrement moi dans chacune de mes interventions. C’est, je crois, le meilleur moyen de bâtir une relation de confiance… avec le cœur!
[1] Gervais, M et Berthelet, S. (2009).Ces enfants trop chambardés dans le cœur-Histoires d’école, Tome1. Québec : Septembre
Éditeur.
[2] Gervais, M., Berthelet, S. (2013). Ces enfants trop chambardés dans le cœur et maintenant on fait quoi?-
Tome2. Québec : Septembre éditeur. p. 102.
[3] Doucet, L. (2018). Intégration scolaire et modèles d’intervention : notes de cours, ASS2063. Département
Département d’éducation et formation spécialisées. Université du Québec à Montréal.
[4] Bissonnette, s., Gauthier, C. (2017). Pour une gestion efficaces des comportements auprès des élèves en difficulté. 8 p. Repéré su le
site :
[5] Gouvernement du Québec (2001). Programme de formation de l’école québécoise. Québec : Ministère de l’Éducation.
[6] Gervais, M., Berthelet, S. (2013). Ces enfants trop chambardés dans le cœur et maintenant on fait quoi?-
Tome2. Québec : Septembre éditeur. p.111-117
[7] Gervais, M., Berthelet, S. (2013). Ces enfants trop chambardés dans le cœur et maintenant on fait quoi?-
Tome2. Québec : Septembre éditeur. p.101-102