Thème et contexte général entourant la problématique
Depuis la fin des années 1990, le système éducatif québécois est devenu inclusif impliquant que le milieu scolaire doit mettre en place des moyens adaptatifs afin de soutenir tous les élèves peu importe leurs besoins ou leur situation particulière. C’est pourquoi les élèves présentant une dyslexie-dysorthographie ont maintenant accès à des outils d’aide technologique en classe ordinaire afin de les soutenir dans leurs apprentissages ainsi que dans leurs compétences, et ce, pour tous les cycles. Avec les délais que peuvent prendre les évaluations afin de dépister les troubles d’apprentissage, c’est surtout au troisième cycle du primaire que les outils technologiques d’aide sont offerts à ces élèves. C’est donc vers la fin du primaire qu’il est possible d’observer le climat et les conditions entourant l’utilisation de ces outils chez les élèves dyslexiques-dysorthographiques. De plus en plus, il est possible de constater dans le contexte de la classe ordinaire au troisième cycle du primaire certains inconforts face à l’intégration et l’utilisation de ces outils en classe, et ce, autant du point de vue de ces élèves en particulier que des autres élèves de la classe ainsi que des enseignants.
Problème examiné et question de recherche
Les inconforts ressentis par les élèves utilisateurs des outils d’aide technologique peuvent se traduire par un refus d’en faire l’usage en classe dans la crainte d’être stigmatisés par les autres élèves puisque l’accès à des ordinateurs portables est considéré comme un privilège créant ainsi un sentiment de jalousie. De plus, la présence visible d’un outil technologique sur quelques pupitres seulement a pour effet de rendre visible le trouble d’apprentissage des élèves dyslexiques-dysorthographique plutôt que de le dissimuler. Pour ce qui est des inconforts vécus par les enseignants, ils se traduisent par le manque de compétences à soutenir l’utilisation des outils par leurs élèves et dans certains cas, une incompréhension au bienfondé même de leur utilisation en classe, et voir même, perçue comme étant un privilège ou une forme d’iniquité par rapport aux autres membres de la classe.
Cette problématique entourant les inconforts rencontrés par l’utilisation des outils d’aide technologiques dans ce contexte de classe ordinaire risque grandement d’avoir un impact sur le sentiment d’inclusion des élèves dyslexiques-dysorthographiques au sein du groupe. Il en résulte donc un sujet, une question pertinente à étudier dans le cadre d’une recherche scientifique en éducation se traduisant par les questions suivantes. Quelles sont les perceptions des enseignants ainsi que des élèves dyslexiques-dysorthographiques du troisième cycle du primaire quant à l’utilisation des outils technologiques d’aide en classe ordinaire? Quels sont les impacts de cette utilisation sur le sentiment d’inclusion des élèves dyslexiques-dysorthographiques?
Pertinence de la question de recherche
Bien que ces inconforts soient perceptibles dans le milieu scolaire au troisième cycle du primaire, très peu, voir aucune recherche n’ont été effectuées dans ce contexte. C’est pourquoi une recherche entourant cette problématique dans le contexte spécifique cité plus haut est pertinente, étant donné le manque d’informations à ce sujet. D’un point de vue scientifique, cette recherche permettra donc de combler un manque d’informations par rapport à ce contexte spécifique. De plus, étant donné que le contexte d’inclusion au Québec demeure toujours un concept flou et mal défini, plusieurs incompréhensions demeurent dans le milieu scolaire. Par conséquent, le fait d’observer l’impact qu’un moyen d’adaptation mis en place en classe ordinaire du primaire peut avoir sur le sentiment d’inclusion permettra lui aussi de combler un manque de données sur un sujet sensible du milieu de l’éducation au Québec. Cette recherche apportera donc aux sciences de l’éducation de nouvelles connaissances sur le contexte entourant l’utilisation des outils d’aide technologique et surtout, sur le sentiment d’inclusion des élèves dyslexiques-dysorthographiques.
Du point de vue social, cette recherche permettra de sensibiliser le milieu quant aux difficultés rencontrées autant par les élèves dyslexiques-dysorthographiques lors de l’utilisation de ces outils en classe ordinaire au troisième cycle du primaire qu’à l’impact que peut avoir cette utilisation sur leur sentiment d’inclusion. D’un autre côté, cette recherche permettra également de sensibiliser le milieu sur les besoins ressentis par les enseignants pour soutenir leurs élèves quant à une bonne intégration et une utilisation adéquate de ces outils dans leur classe par les élèves à besoins particuliers. Ces nouvelles connaissances acquises auront pour effet, toujours du point de vue social, de favoriser l’émergence ou du moins de sensibiliser le milieu à de nouvelles pratiques ou de nouvelles approches pédagogiques afin de rendre l’utilisation des outils technologiques d’aide en classe ordinaire au troisième cycle du primaire la plus optimale possible en lien avec une bonne utilisation, mais également pour une intégration en classe qui soit positive favorisant le sentiment d’inclusion des élèves qui en font l’usage.
À la lumière des résultats obtenus, il ressort plusieurs possibilités d’interventions pédagogiques à implanter dans le milieu scolaire en contexte de la classe ordinaire du troisième cycle du primaire. En premier lieu, la formation initiale des enseignants ainsi que des autres intervenants en soutien aux élèves dyslexiques-dysorthographiques tels que les orthopédagogues devrait offrir davantage de connaissances quant aux différentes utilisations possibles du numérique en classe. En effet, cette formation devrait, d’une part, viser à faire développer les compétences des futurs enseignants quant à l’utilisation des logiciels spécialisés pour les élèves ayant des troubles d’apprentissage, et d’autre part, à faire découvrir les différentes modalités d’intégration du numérique en classe telles que Google Class par exemple qui peuvent s’adresser à l’ensemble des élèves. Cette formation permettrait d’implanter davantage de contextes d’apprentissage numériques de haut niveau. En continuité à cette formation, les commissions scolaires auraient tout avantage à offrir plus de formation continue pour ces mêmes acteurs en plus d’injecter les montants nécessaires pour l’achat de laboratoires roulants et pour offrir des logiciels adaptés. De plus, celles-ci devraient implanter dans leur structure des experts technologiques qui pourraient se promener dans les écoles afin de s’assurer d’une bonne intégration et de la bonne utilisation du numérique dans les classes. Et finalement, les enseignants tout comme les orthopédagogues devraient instaurer des communautés de partages des compétences numériques afin de se soutenir mutuellement.
En deuxième lieu, la formation initiale des enseignants devrait offrir plus de cours sur les élèves à risque incluant les élèves dyslexiques-dysorthographiques, afin d’agrandir le bagage de connaissances des futurs enseignants notamment en lien avec le niveau de compétence de ces élèves ou des moyens adaptatifs à instaurer en classe. Bien que ce type de formation soit offert aux futurs enseignants en adaptation scolaire, étant donné le contexte inclusif où tous les élèves à besoins particuliers se retrouvent en classe ordinaire, le milieu scolaire aurait tout à gagner à former davantage leurs enseignants du secteur régulier à cette réalité. Cette formation permettrait aux enseignants d’instaurer un climat bienveillant où la relation entre lui et ses élèves serait de qualité et où les divergences des interventions en fonction des différents besoins ne seraient plus perçues comme du favoritisme ou de l’iniquité. Étant donné qu’un des premiers mandats de l’école est le vivre-ensemble, cet aspect devrait être au cœur de tout enseignement. Dans ce cas encore, il serait préférable d’offrir plus de formation continue, étant donné le portrait de la société en continuel changement et d’offrir plus de soutien de la part des conseillers pédagogiques qui pourraient venir en classe pour aider les enseignants et les orthopédagogues à mettre en place des moyens adaptatifs universels afin de camoufler les difficultés des élèves à besoins particuliers. Pour ce qui est de de l’environnement pédagogique, il serait préférable d’aménager au sein de la classe un endroit pour recharger les portables afin de pouvoir assigner une place aux élèves en difficulté près de l’enseignant et que ceux-ci puissent utiliser leurs outils uniquement en même temps que leurs pairs évitant ainsi le rejet. Cette proximité permettrait aux enseignants de mieux répondre aux besoins de ces élèves.
En quatrième lieu, une autre intervention possible serait de permettre à l’ensemble de la classe d’utiliser les ordinateurs lors de la réalisation des tâches nécessitant le recours à des logiciels adaptés. Ainsi, comme le décrivent dans leur étude Bernet et Karsenti, l’accessibilité à des ordinateurs en classe serait un bon moyen pour intégrer adéquatement les outils afin d’offrir une individualisation de l’enseignement afin de répondre aux besoins de tous. Ainsi, si tous les élèves utilisent un ordinateur, les élèves dyslexiques-dysorthographiques ne se sentiraient plus stigmatisés et en proie à de la jalousie et inversement, les autres élèves ne vivraient pas cette situation comme de l’injustice. À l’issue des résultats obtenus par Denis, Lison et Lépine, les adaptations spécifiques pourraient, au contraire, devenir universelles, afin de permettre à l’ensemble de la classe d’en bénéficier et aux élèves à risque de ne pas être mis en marge du groupe. Ainsi, si ceux-ci avaient besoin d’être évalués davantage à l’oral plutôt qu’à l’écrit, tous les élèves pourraient être évalués ainsi. Aussi, avec l’utilisation d’un espace numérique tel que Google Class, tous les élèves évolueraient dans un espace numérique personnalisé et où les adaptations spécifiques comme les tâches réduites, la grosseur des lettres, la modification des consignes pourraient être dissimulées offrant un enseignement individualisé pour tous.
En cinquième lieu et concernant les élèves eux-mêmes, il serait avantageux pour eux de leur enseigner les différentes utilisations des outils technologiques, afin de les amener à les considérer autrement que comme des moyens de divertissement. De plus, ils devraient être davantage soutenus quant à leur utilisation des outils afin d’en faire un usage adéquat et approprié. Dans ce sens, puisque cette formation se fait majoritairement à l’extérieur de la classe, l’utilisation de ceux-ci leur semble éloignée du contexte de la classe. De ce fait, les orthopédagogues pourraient venir plus souvent en classe pour soutenir ces élèves tandis que les enseignants pourraient soutenir les autres élèves. De plus, l’enseignement devrait aussi miser sur la capacité réflexive des élèves lors de l’utilisation de leur outil afin de leur faire prendre conscience des points à améliorer ainsi que des bénéfices obtenus par l’utilisation de ces aides. Cela aurait pour effet de favoriser une perception positive des outils et une plus grande utilisation afin que ceux-ci puissent apporter toute l’aide pour laquelle ils ont été conçus.
Liste des références bibliographiques des articles sientifiques consultés pour ce travail
Bacquelé, V. (2016). Soutenir l’usage des aides technologiques par les élèves dyslexiques dans un contexte inclusif. Carrefour de l’éducation, 2 (42) p. 133-153. Récupéré du site de la revue https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2016-2-page-133.htm
Bernet, E. et Karsenti, T. (2013). Modes d’intégration et usages des TIC au troisième cycle du primaire : une étude multicas. Érudit, Journals, Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, TIC et éducation : avantages, défis et perspectives futures, 41 (1) 45-69. Récupéré du site de la revue https://www.erudit.org/en/journals/ef/2013-v41-n1-ef0525/1015059ar/abstract/
Denis, C., Lison, C. et Lépine, M. (2014). Pratiques déclarées d’adaptation de l’enseignement en contexte d’inclusion d’élèves de deuxième cycle du secondaire ayant une dyslexie. Érudit, Journal, Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 16 (1) 134-164. Récupéré du site de la revue https://www.erudit.org/en/journals/ncre/2013-v16-n1-ncre01466/1025766ar/abstract/
Loiselle, C. et Chouinard, J. (2012). L’intégration de TIC et des aides technologiques par les orthopédagogues oeuvrant auprès des élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage. Canadian Journal of Learning and technology/La revue canadienne de l’apprentissage et de la technologie, 38 (2) 2-19. Récupéré du site de la revue https://www.learntechlib.org/p/42888/
Rousseau, N., Dumont, M., Paquin, S., Desmarais, M.-É., Stanké, B. et Boyer, P. (2017). Le sentiment de bien-être subjectif d’élèves dyslexiques et dysorthographiques en situation d’écriture : quel apport des technologies d’aide ? A.N.A.E., 148 p.353-364. Récupéré de https://www.researchgate.net/profile/Brigitte_Stanke/publication/322770980_From_assessment_of_literacy_difficulty_to_rehabilitation_intervention/links/5c30e16f92851c22a35c9583/From-assessment-of-literacy-difficulty-to-rehabilitation-intervention.pdf